En m’installant en libéral, j’ai eu la chance d’ouvrir une consultation entièrement dédiée à l’allaitement au sein d’une collaboration dynamique. Formée à l’examen clinique global du nouveau né, je le propose de manière systématique associée à l’observation de la tétée,ce qui permet une approche diagnostique individualisée et enclenche une dynamique de confiance mutuelle :
Les parents sont rassurés sur la santé et capacité de leur nourrisson éclairés sous l’angle de cet examen complet.
Ils sont confiants dans les capacités de la sage-femme, elle-même dans son sentiment d’efficience.Tous s’engagent dans une collaboration, alliage de guidance, d’observance que les familles déclinent dans leur environnement.
Reconnus dans leurs efforts pour dépasser les difficultés les plus fréquentes (douleurs, stagnation pondérale, sensation d’insuffisance de lait), ils persévèrent et c’est ainsi que des allaitements « protégés » les 2 à 6 premières semaines, augmentent en exclusivité et en durée. Il m’apparaît que, bien au-delà des bénéfices de l’allaitement, cette pratique de réassurance régulière au décours des premières semaines ou mois, toujours basée sur l’examen de l’enfant, ouvre à bien d’autres possibilités d’accompagnement lors de ces périodes sensibles d’émergence de la parentalité. Le sommeil, les pleurs, les reprises de travail, la diversification alimentaire, le sevrage, autant de préoccupations dont les parents s’ouvrent entre autres aux sage-femmes.
Consultante en lactation certes, mais sage-femme, il me semble alors paradoxal que les mères non allaitantes ne bénéficient pas d’avantage de ce soutien post natal. En effet, nous savons aujourd’hui que statistiquement l’alimentation au lait artificiel est plus souvent associée au risque de dépression du post-partum. Les mères qui font d’emblée ce choix ont peut être plus de difficulté à se projeter
dans une dynamique qui interroge en permanence leur capacité à allaiter, et de fait leur capacité tout court.
Que pouvons nous offrir comme type de soutien à tous les parents ?
Je choisis alors de me former à l’évaluation du comportement néonatal par l’échelle de BRAZELTON, formation extrêmement expérientielle : c’est avant tout un nombre important de passations d’échelles de Brazelton qui crée la compétence d’observation, la finesse d’approche de l’intersubjectivité et ouvre aux perspectives d’accompagnement clinique à une juste place.
Ainsi, cet outil clinique plaçant le bébé au centre d’une observation partagée avec les parents, est devenu à part entière dans mon quotidien un vecteur de santé et de développement pour l’enfant ,pour sa famille et ma propre pratique.
Avec la création du programme de retour à domicile, dans le contexte des sorties de maternité de plus en plus précoces, les sages-femmes sont désignées par la Haute Autorité en Santé pour réaliser cette surveillance du nouveau-né et de sa mère. De nombreuses mères, y compris celles qui n’ont jamais été suivies, bénéficient d’une surveillance à domicile par la sage-femme et les nouveau-nés sont suivis de manière plus exhaustive, sans devoir attendre l’échéance classique de l’examen chez le pédiatre ou le médecin parfois tardive
Malgré les difficultés et les coûts en organisation, c’est un progrès pour la santé périnatale. L’Académie de Médecine publie à ce moment-là une série de recommandations pour nous alarmer sur la vulnérabilité du nouveau-né lors de la 1ère semaine de vie. Pour appréhender cette précarité des adaptations néonatales, qui peut se décompenser à domicile, et à distance de la naissance, il nous faut réactualiser nos connaissances en physio-pathologie et envisager un abord de leurs applications cliniques de manière praxéologique. J’ai donc conçu « Examen clinique et surveillance du nourrisson » venant répondre aux besoins exprimés par mes collègues dans ce contexte évolutif
Je remercie Jean Richard, pédiatre de maternité de niveau 2, d’avoir bien voulu concourir à la co-animation lors des premiers modules sur les points les plus techniques, me faisant ainsi avantageusement profiter de son expérience. Plus tardivement, il m’a semblé important d’accentuer la formation sur le champ déontologique des sages-femmes en rapport avec le nouveau-né, le nourrisson dans un domaine où les compétences se partagent avec d’autres professionnels, médecins et puéricultrices. Ainsi, grâce à une veille déontologique, chaque compétence visée lors des formations est traitée désormais sous l’angle de ce que la sage-femme est déontologiquement autorisée à mettre en œuvre en terme de prévention précoce pour la santé du nouveau-né et du développement de l’enfant.
Cette clarification permet d’optimiser l’exercice professionnel en toute sécurité et de s’y investir pleinement et d’affiner et enrichir les orientations précoces. Après un enseignement D.U. « Développement social et cognitif du nourrisson » à Paris Descartes, je me suis formée aux « Approches sensori-motrices dans les troubles fonctionnels du nourrisson » dans la dynamique d’André Bullinger.
Les soirées d’analyse de pratiques entre puéricultrices, kinésithérapeutes psychomotriciens, psychologues, pédopsychiatres, orthophonistes et médecins, tous réunis pour observer, entre autre, des vidéos de mouvements généraux du nouveau-né et du nourrisson me confortent dans l’idée de la contribution essentielle des sages-femmes en prévention primaire pour optimiser les perspectives développementales.
Je continue alors mon articulation entre apprentissage et pratique clinique de terrain. Mes orientations précoces sont parfois jugées pertinentes par des pédiatres spécialisés en développement ou le plus fréquemment par la psychomotricienne intervenant à la PMI de mon secteur.
Cela valide ma pratique et m’encourage à la transmettre.
Le pleurs, les rythmes de sommeil , les difficultés qui s’engramment au delà de 6 mois sont les questions les plus fréquentes posées aux sages-femmes ; en effet, du fait de leur champ d’action qui s’agrandit au delà de la période des rééducations post natales et se dévoue aussi à la santé génésique des femmes, elles sont des interlocuteurs de choix.
Les pratiques de councelling autour des pleurs méritent un support solide de connaissances pour dépasser nos représentations, et tous les échos qui ne manquent pas d’agir dans notre relationnel archétypal maternant avec nos patientes. C’est à travers les recommandations de la HAS concernant le syndrome du bébé secoué que nous sommes appelées là aussi, comme d’autres, à agir en prévention primaire.
Enfance et sages-femmes formations continue sa maturation.
Pour interroger les acquis de mon expérience pédagogique et consolider mes pratiques en évaluation, j’ai rejoint la Faculté de Médecine d’Aix Marseille, université qui ouvre l’accès à son D.U. de « Pédagogie médicale » aux sages-femmes. J’ai travaillé à concevoir des techniques pédagogiques basées sur les apports des neurosciences, tant il me parait important de transmettre d’une façon maïeutique et
non verticale, et tant les enjeux de la formation sont importants : santé et développement de l’enfant et de sa famille, contribution sociétale, valorisation professionnelle et juste reconnaissance des sages-femmes, archétype maternel pour leur patiente à l’oeuvre dans les processus du naissant.
À cette fin, je suis vigilante tout au long des actions de formations, pour mobiliser l’attention de mes collègues, afin qu’elles s’engagent activement dans les processus d’apprentissages. Je questionne et recours à une sémantisation systématique des connaissances, gestes cliniques, attitudes, prescriptions. Les biorythmes permettent de déterminer des périodes propices pour acquérir ou actualiser soit des
connaissances soit des habiletés spécifiques ou praxélologiques. Leur optimisation ouvre aux processus métacognitifs ou prise de conscience de sa situation sur une trajectoire d’apprentissage.
Les thèmes proposés par Enfance et Sages-Femmes formations se sont donc consolidés sur la base d’une pratique clinique, réplicable dans une organisation pensée pour une contribution préventive au sein d’un réseau de santé.
Parce que chaque femme, chaque mère, nouveau-né, nourrisson, famille, rencontre désormais une sage-femme, parce que les liens avec les sages-femmes se tissent tout au long de la grossesse puis de la vie des femmes qui nous interrogent, parce que les sages-femmes sont à l’écoute mais aussi cliniciennes, il m’a paru essentiel de consolider leur vocation à favoriser la santé et le développement du nouveau-né du nourrisson et de sa famille en créant Enfance et Sages-Femmes Formations.